En séance de rééducation, l’une des premières choses que l’on observe est la tenue du crayon. Une mauvaise tenue de crayon est très souvent responsable de douleurs, de problèmes de lisibilité ou de vitesse, voire les trois à la fois !
Au cabinet, tout commence donc par un travail sur cette tenue de crayon qui est essentielle. Certains sites marchands l’ont bien compris et on voit fleurir de nombreuses publicités pour des guide-doigts qui sont censés résoudre tous les problèmes d’écriture en un clin d’œil.
Ne vous y trompez pas, en 20 ans d’enseignement, je n’ai encore jamais vu un seul de ces objets transformer durablement et de manière satisfaisante une écriture peu lisible ou douloureuse !
Mais pour pouvoir juger, j’ai toutefois testé ces nouveaux modèles vantés par tant de sites…
J’ai testé plusieurs guide-doigts et notamment celui ci-contre que l’on voit fréquemment sur les réseaux sociaux.
Avec ce modèle, les trois doigts utilisés pour une bonne tenue sont maintenus artificiellement en place sur le crayon. A l’usage, on a l’impression d’avoir les doigts comme suspendus dans des petits paniers, la mobilité du pouce est gênée. Il n’existe pas de modèle de différentes tailles. C’est le même guide-doigts qui est proposé pour une main d’enfant ou pour une main d’adulte, pour un gaucher ou un droitier ! Pour résumer, avec ce guide-doigt, tout est figé !
Le modèle orange qui n’a pas l’anneau contrairement au rose laisse « libre » le majeur. On peut dans un premier temps penser qu’il est plus à même d’aider à adopter une bonne tenue mais en réalité, ce modèle fausse les perceptions et crée de mauvaises habitudes puisque le crayon peut être maintenu sans l’appui du majeur. La tenue qui s’automatise avec l’usage de ce guide-doigt n’est donc pas réutilisable par la suite avec un stylo ordinaire.
Au cabinet, nous testons le réflexe d’agrippement (ou grasping) qui peut expliquer cette mauvaise position des doigts. Nous proposons d’abord des exercices pour intégrer ce réflexe qui engendre des crispations incontrôlées. Puis un simple petit morceau de papier à maintenir avec l’auriculaire permet de guider la personne vers une bonne tenue.
Avec ces guide-doigts, la bonne tenue de crayon n’est pas construite comme une réponse motrice :
Une tenue de crayon peut et doit s’acquérir en ressentant son intérêt réel et non sous la contrainte. Lorsqu’on souhaite qu’un enfant apprenne à nager, lui mettre des brassards ne lui permet pas de découvrir comment flotter seul. Lorsqu’un enfant apprend à marcher, le mettre dans un « youpala » ne va pas l’aider à maîtriser ses appuis et à trouver son équilibre seul… C’est pareil avec ces guides doigts. On n’éprouve pas véritablement l’intérêt de la pince pouce/majeur car elle est contrainte et trop guidée.
=> Une bonne tenue de crayon ne peut être construite sous la contrainte.
Les exercices que nous proposons en cabinet permettent de ressentir réellement l’intérêt de la pince pouce/majeur d’une part et d’auto contrôler sa tenue de crayon d’autre part. La bonne tenue s’inscrit dans la mémoire kinesthésique grâce aux exercices réalisés. Elle est transposable et perdure dans le temps.
Avec ces guide-doigts, la bonne tenue de crayon ne souffre aucune variation :
Même si une bonne tenue de crayon passe par des incontournables (la pince pulpe du pouce et dernière phalange du majeur pour tenir le crayon, l’index qui repose souplement sur le crayon) il existe de petites variations notamment sur la hauteur à laquelle se place l’index qui font que chaque tenue de crayon est personnelle.
=> Affirmer qu’un guide-doigts permet d’acquérir une bonne tenue de crayon c’est oublier qu’il existe différentes tailles de mains et des variations dans la tenue du crayon.
En séance de graphopédagogie, nous prenons en compte ces variations, nous adaptons les exercices à la personne et nous ne faisons pas tester les stylos avant d’avoir stabilisé une bonne tenue du crayon. Nous ne recommandons d’ailleurs pas une seule marque ni un seul modèle de stylo mais plusieurs car les personnes rééduquées n’ont pas les mêmes ressentis en fonction de leur tenue ni les mêmes attentes en terme de rendu (glisse, couleur de l’encre, épaisseur du trait…)
Conclusion : On oublie le guide-doigts sauf exception !
Dans certains cas de dysgraphies, il est possible qu’un guide-doigts puisse être utilisé de manière transitoire pour réduire les crispations ou même rassurer ceux qui sont en grande détresse avec l’écriture. Mais en rééducation, sauf en cas de handicap moteur, l’apprentissage d’une bonne tenue de crayon se passe de ce type d’artifice.
Au cabinet, j’utilise et donne parfois un petit manchon en mousse : c’est un tube souple qui permet de guider sans contraindre. Grâce à lui, on repère facilement la bonne hauteur des doigts sur le crayon et, au toucher, c’est antidérapant et assez agréable pour ceux qui sont gênés par les petits picots du Grip 2001 de chez Faber Castell. Cela ne crée par de sur-épaisseur. Les doigts sont libres et peuvent se positionner sans contrainte physique.
=> La bonne tenue s’automatise grâce à des petits exercices ludiques répétés quotidiennement durant quelques jours ou semaines et elle est réutilisable avec n’importe quel stylo ou crayon !
S’il est indiscutable qu’une bonne tenue de crayon est indispensable pour bien écrire, il est indéniable que parfois elle ne suffit pas pour avoir une écriture efficace. Lenteur, problèmes de lisibilité, douleurs, fatigue… toutes les difficultés d’écriture peuvent être résolues efficacement et durablement avec des séances de rééducation auprès d’une graphopédagogue du réseau 5E. Retrouvez tous les cabinets du réseau sur la carte interactive du réseau.
Bonjour et merci pour cet article. Enfin un article qui nous dit la vérité sur les guide-doigts!
Bonjour, je suis enseignante EN ULIS, votre article m’a beaucoup intéressée et qui confirme les doutes que j’avais sur leur efficacité. Pourtant, je suis sûre le point d’investir car je ne sais pas quel exercice leur faire faire pour les aider. J’ai déjà proposé à des parents de faire faire des séances de rééducation mais le coût est souvent élevé pour eux surtout que ce n’est pas leur seul difficulté.